Evandre

Lecture cursive de textes latins et grecs

516e 517d Explication de l'allégorie

Déboires prévisibles du philosophe



République VII 516e -517d Le mythe de la caverne (5)

Explication de l'allégorie : difficultés du philosophe

Καὶ τόδε δὴ ἐννόησον, ἦν δ ΄ ἐγώ. Εἰ πάλιν ὁ τοιοῦτος καταβὰς εἰς τὸν αὐτὸν θᾶκον καθίζοιτο, ἆρ ΄ οὐ σκότους ἂν ἀνάπλεως σχοίη τοὺς ὀφθαλμούς, ἐξαίφνης ἥκων ἐκ τοῦ ἡλίου;

Καὶ μάλα γ ΄ , ἔφη.

Τὰς δὲ δὴ σκιὰς ἐκείνας πάλιν εἰ δέοι αὐτὸν γνωματεύοντα διαμιλλᾶσθαι τοῖς ἀεὶ δεσμώταις ἐκείνοις, ἐν ᾧ ἀμβλυώττει, πρὶν καταστῆναι τὰ ὄμματα, οὗτος δ ΄ ὁ χρόνος μὴ πάνυ ὀλίγος εἴη τῆς συνηθείας, ἆρ ΄ οὐ γέλωτ ΄ ἂν παράσχοι, καὶ λέγοιτο ἂν περὶ αὐτοῦ ὡς ἀναβὰς ἄνω διεφθαρμένος ἥκει τὰ ὄμματα, καὶ ὅτι οὐκ ἄξιον οὐδὲ πειρᾶσθαι ἄνω ἰέναι; καὶ τὸν ἐπιχειροῦντα λύειν τε καὶ ἀνάγειν, εἴ πως ἐν ταῖς χερσὶ δύναιντο λαβεῖν καὶ ἀποκτείνειν, ἀποκτεινύναι ἄν ;

Σφόδρα γ ΄ , ἔφη.

Ταύτην τοίνυν, ἦν δ ΄ ἐγώ, τὴν εἰκόνα, ὦ φίλε Γλαύκων, προσαπτέον ἅπασαν τοῖς ἔμπροσθεν λεγομένοις, τὴν μὲν δι ΄ ὄψεως φαινομένην ἕδραν τῇ τοῦ δεσμωτηρίου οἰκήσει ἀφομοιοῦντα, τὸ δὲ τοῦ πυρὸς ἐν αὐτῇ φῶς τῇ τοῦ ἡλίου δυνάμει· τὴν δὲ ἄνω ἀνάβασιν καὶ θέαν τῶν ἄνω τὴν εἰς τὸν νοητὸν τόπον τῆς ψυχῆς ἄνοδον τιθεὶς οὐχ ἁμαρτήσει τῆς γ ΄ ἐμῆς ἐλπίδος, ἐπειδὴ ταύτης ἐπιθυμεῖς ἀκούειν. Θεὸς δέ που οἶδεν εἰ ἀληθὴς οὖσα τυγχάνει. Τὰ δ ΄ οὖν ἐμοὶ φαινόμενα οὕτω φαίνεται, ἐν τῷ γνωστῷ τελευταία ἡ τοῦ ἀγαθοῦ ἰδέα καὶ μόγις ὁρᾶσθαι, ὀφθεῖσα δὲ συλλογιστέα εἶναι ὡς ἄρα πᾶσι πάντων αὕτη ὀρθῶν τε καὶ καλῶν αἰτία, ἔν τε ὁρατῷ φῶς καὶ τὸν τούτου κύριον τεκοῦσα, ἔν τε νοητῷ αὐτὴ κυρία ἀλήθειαν καὶ νοῦν παρασχομένη, καὶ ὅτι δεῖ ταύτην ἰδεῖν τὸν μέλλοντα ἐμφρόνως πράξειν ἢ ἰδίᾳ ἢ δημοσίᾳ.

Ξυνοίομαι, ἔφη, καὶ ἐγώ, ὅν γε δὴ τρόπον δύναμαι.

Ἴθι τοίνυν, ἦν δ ΄ ἐγώ, καὶ τόδε ξυνοιήθητι καὶ μὴ θαυμάσῃς ὅτι οἱ ἐνταῦθα ἐλθόντες οὐκ ἐθέλουσιν τὰ τῶν ἀνθρώπων πράττειν, ἀλλ ΄ ἄνω ἀεὶ ἐπείγονται αὐτῶν αἱ ψυχαὶ διατρίβειν· εἰκὸς γάρ που οὕτως, εἴπερ αὖ κατὰ τὴν προειρημένην εἰκόνα τοῦτ ΄ ἔχει.

Εἰκὸς μέντοι, ἔφη.


VOCABULAIRE :

Fréquence 1 :

ἀεὶ : toujours, successivement

αἰτία, ας (ἡ) : cause, accusation

ἀληθής,ής,ές : vrai, sincère

ἁμαρτάνω* : manquer le but, échouer, se tromper, commettre une faute

ἄξιον <ἐστι> : il vaut la peine de

ἀπο-κτείνω : tuer

ἆρα : est-ce que?

αὖ : de nouveau, encore, par ailleurs, au contraire

δεῖ : il faut, il est besoin de

δια-φθείρω (διεφθαρμένος) : détruire, corrompre (part parfait passif)

δύναμαι : pouvoir, être capable de

δυνάμις,εως (ἡ) : puissance, faculté

ἐθέλω : vouloir, vouloir bien, consentir

εἶμι (ἰέναι) ; aller

εἴπερ : si précisément

ἐκείνος,η,ο : celui-là, ce fameux

ἐλπίς,ίδος (ἡ) : espoir, attente

ἐπειδὴ : lorsque, après que, puisque

ἐπι-θυμέω,ῶ : désirer

ἐπι-χειρέω,ῶ : entreprendre

ἥκω : être arrivé, concerner

θαυμάζω : admirer, s'étonner de

ἴθι : allons!

καθ-ίστημι (καταστῆναι) : établir, disposer

κύριος,α,ον : puissant

λαμβάνω : prendre, recevoir

μάλα : beaucoup, tout à fait

μέντοι : certes, cependant

νόος-νοῦς, νόου-νοῦ (ὁ) : pensée, esprit

οἶδα : savoir

ὀλίγος,η,ον : peu nombreux, peu, un peu

οὕτω : ainsi, tellement, à cette condition

πάλιν : de nouveau, encore, au contraire, en sens contraire

πειράομαι,ῶμαι : essayer, s'efforcer de

πράττω : agir, accomplir, faire payer; faire des affaires; + adv : être

πρίν : avant, avant que

τίθημι (part présent τιθείς) : poser, déposer; mettre, admettre, considérer comme

τίκτω (τεκοῦσα) : enfanter, produire

τοῦτ ΄οὕτως ἔχει : il en est ainsi

τυγχάνω : se trouver,être

φαίνομαι : paraître, apparaître, se montrer

χείρ, χειρός (χερσί) (ἡ) : la main

χρόνος, ου (ὁ) : le temps

ψυχή,ῆς (ἡ) : souffle de vie, vie, âme


Fréquence 2 :

ἀλήθεια, ας (ἡ) : la vérité

ἀνα-βαίνω : monter

δημοσίᾳ : en public

δια-τρίβω : user, passer son temps

ἡλίος,ου (ὁ) : le soleil

ἰδίᾳ : en privé, en particulier

πάνυ :tout à fait

που : quelque part, de quelque manière, je suppose

τελευταίος,α,ον : dernier, final

φῶς , φωτός (τό) : la lumière


Fréquence 3 :

ἀν-άγω : emmener en haut, ou au large

ἐνταῦθα : là, alors

ὄψις, εως (ἡ) : la vue

πως : de quelque manière


Fréquence 4 :

γέλως, ωτος (ὁ) : le rire

ἔμπροσθεν : avant, auparavant

ἰδέα, ας (ἡ) : forme, aspect, idée, sorte, genre

κατα-βαίνω : descendre

ὀφθαλμός, οῦ (ὁ) : l'œil

σκότος, ους () : l'obscurité

Ne pas apprendre :

ἀμβλυώττω : avoir la vue faible

ἀνά-βασις,εως (ἡ) : l'action de monter, la montée, le progrès

ἀνά-πλεως,ως,ων : plein de + G

ἄν-οδος,ου (ἡ) : la montée

ἀφ-ομοιόω,ῶ : rendre semblable, comparer, copier

γνωματεύω : se faire une opinion sur, apprécier, juger

γνωστός,ή,όν : connu, familier

δεσμώτης, οῦ (ὁ) : le prisonnier

δια-μιλλάομαι,ῶμαι : rivaliser avec + D

εἰκών,όνος (ἡ) : l'image

ἐμ-φρόνως : avec prudence, de façon sensée

ἐν-νοέω : avoir dans l'esprit, concevoir, imaginer; comprendre; signifier

ἐξαίφνης : tout à coup

ἐπείγω : presser, pousser, hâter; part pass : ardent pour

θᾶκος,ου (ὁ) : le siège

θέα,ας (ἡ) : le spectacle, la contemplation

καθ-ίζομαι : s'asseoir, s'établir

μόγις : avec peine

νοητός,ή,όν : intelligible

ξυν-οίομαι : avoir les pêmes pensées que+ D

οἰκήσις, εως (ἡ) : habitation, demeure

ὁρατός,ή,όν : visible

προσ-άπτω : attacher, attribuer

σκιά,ας (ἡ) : l'ombre

συλ-λογιστέος,α,ον : qu'il faut conclure ; au neutre pluriel : il faut conclure… (adj verbal)

συν-ηθεία,ας (ἡ) : habitude, usage, intimité





République VII 516e -517d Le mythe de la caverne (5) Traduction au plus près du texte


- Et représente-toi précisément ceci, dis-je. Si un tel homme, étant (πάλιν) re-descendu, s'asseyait sur le même siège, est-ce qu'il n'aurait pas les yeux remplis d'obscurité (génitif singulier), en arrivant tout à coup du soleil?

- Tout à fait, certes, dit-il.

- Et, précisément, quant à ces ombres-là, s'il lui fallait, en les re-jugeant, rivaliser avec ces éternellement prisonniers de là-bas, dans le temps où il a la vue faible, avant que ses yeux se soient rétablis, - et ce délai d'accoutumance ne serait pas tout petit! -, est-ce qu'il n'exciterait pas le rire, et est-ce qu'il ne serait pas dit à son sujet qu'étant monté là-haut il revenait les yeux détruits, et qu'il ne vaut pas même la peine d'essayer d'aller là-haut? Et celui qui entreprendrait de les délier et de les faire monter, s'ils pouvaient le prendre dans leurs mains et le mettre à mort, <ne crois-tu pas qu'ils> le mettraient à mort?

-Absolument, dit-il.

-Eh bien cette image, dis-je, mon cher Glaucon, il faut la faire correspondre tout entière à ce qui a été dit auparavant, en comparant d'une part la demeure qui apparaît grâce à la vue au séjour de la prison, et la lumière du feu dans celui-ci à l'action du soleil; et, en considérant (participe présent τιθεὶς) la montée vers le haut et la contemplation des choses d'en-haut comme l'ascension de l'âme vers le lieu intelligible, tu ne te tromperas pas sur mon espoir, puisque tu désire l'entendre.

Dieu sait peut-être si elle se trouve vraie. En tout cas, ce qui m'apparaît apparaît ainsi : dans le connaissable, en dernier, apparaît l'idée (le principe) du bien, et de façon difficile à voir; et après avoir été vue, il apparaît qu'il faut conclure qu'elle est assurément pour tous la cause de toutes les choses correctes et belles, à la fois, dans le visible, engendrant la lumière et celui qui est puissant sur elle, et, puissante elle aussi dans l'intelligible, procurant la vérité et l'intelligence, et qu'il faut qu'il l'ait vue, celui qui doit agir de façon sensée soit en privé soit en public.

- Je suis encore d'accord moi , dit-il, de la façon du moins dont je peux <l'être>

- Allons donc, dis-je, et sois d'accord aussi en ceci, et ne t'étonnes pas que ceux qui sont allés là ne consentent pas à faire les affaires des hommes, mais que leurs âmes soient ardentes de toujours passer leur vie là-haut; car c'est bien logique ainsi, si précisément cela va, de son côté, conformément à l'image exposée auparavant.

- Assurément, c'est logique, dit-il


Comparaison de traductions :

Traduction Georges Dalmeyda, Paris, Hachette, 1930

- Réfléchis encore à ceci : s'il descendait de nou­veau dans la caverne pour y reprendre son ancienne place, ne serait-il pas comme aveuglé, en venant ainsi du grand jour?

- Assurément.

- Et s'il lui fallait de nouveau rivaliser avec les prisonniers, pour reconnaître ces ombres, tandis qu'il est encore aveuglé et avant que sa vue soit redevenue claire - ce qui pourrait demander un temps assez long - ne prêterait-il pas à rire aux autres, et ne dirait-on pas de lui que, pour être monté là-haut, il revient avec la vue gâtée et qu'il ne vaut pas la peine de tenter le voyage? Et si quelqu'un s'efforçait de les délier et de les amener à la lumière, ne le tueraient-ils pas s'ils pouvaient s'emparer de lui?

- Sans aucun doute.

  • Eh bien, mon cher Glaucon, c'est là l'image com­plète de cette vie terrestre : la prison, c'est

le monde sensible où nous vivons; le feu qui l'éclaire, c'est la lumière du soleil; ce prisonnier qui monte pour aller contempler la région supérieure, c'est l'âme s'élevant jusqu'au monde intelligible : voilà juste­ment ce que j'ai voulu faire entendre, puisque tu veux connaître ma pensée. Dieu sait si elle est vraie. Ma conviction est qu'aux dernières limites du monde intelligible se trouve l'idée du Bien : on l'aperçoit avec peine; mais aussitôt aperçue elle apparaît à notre raison comme la cause de tout ce qui est juste et de tout ce qui est beau; dans le monde visible elle produit la lumière et l'astre qui a le pouvoir de la répandre : souveraine maîtresse dans le monde intelligible elle y crée la vérité et l'intelligence : c'est sur elle enfin qu'il faut fixer ses regards pour se conduire avec sagesse dans la vie privée ou publique.


Traduction Lemaire : Hatier, Paris, 1932

- Fais encore attention à ceci. S'il retournait de nouveau dans sa prison pour y reprendre son ancienne place, dans ce passage subit du grand jour à l'obscurité, ne se trouverait-il pas comme aveuglé ? - Absolument. - Et si, tandis qu'il ne distingue encore rien, et avant que ses yeux soient bien remis, ce qui ne pourrait arriver qu'après assez longtemps, il lui fallait entrer en dispute avec les autres prisonniers sur ces ombres, ne prêterait-il point à rire aux autres, qui diraient de lui que, pour être monté là-haut, il a perdu la vue ; ajoutant que ce serait une folie à eux de vouloir sortir du lieu où ils sont, et que, si quelqu'un s'avisait de vouloir les en tirer et les conduire en haut, il faudrait s'en saisir et le tuer ? - Cela ne fait aucun doute.

IV. - Eh bien, mon cher Glaucon, c'est là précisément l'image de la condition humaine. La prison souterraine, c'est ce monde visible ; le feu qui l'éclaire, c'est la lumière du soleil ; ce captif qui monte à la région supérieure et qui la contemple, c'est l'âme qui s'élève jusqu'à la sphère intelligible. Voilà du moins ma pensée, puisque tu veux le savoir. Dieu sait si elle est vraie. Quant à moi, la chose me paraît telle que je vais dire. Dans le lieu le plus élevé du monde intelligible, est l'idée du bien qu'on n'aperçoit qu'avec beaucoup de peine et d'effort ; mais qu'on ne peut apercevoir sans conclure qu'elle est la cause première de tout ce qu'il y a de beau et de bon dans l'univers ; que dans le monde visible, elle produit la lumière et l'astre qui y préside 1 ; que dans le monde intelli­gible elle engendre la vérité et l'intelligence, qu'il faut par conséquent la connaître, si on veut se conduire sagement dans la vie privée et publique. - Je suis de ton avis autant que je puis comprendre ta pensée. - Admets donc aussi sans t'étonner que ceux qui sont parvenus à cette sublime contem­plation dédaignent de prendre part aux affaires humaines, et que leurs âmes aspirent sans cesse à se fixer dans ce lieu élevé. La chose doit être ainsi, si elle est conforme à la peinture allé­gorique que j'en ai tracée.

  • Cela doit être.

Note 1 : Dans le texte grec , la lumière et le seigneur de la lumière.

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