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48a49a Qu'est-ce que "bien vivre"?

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Qu’est-ce que « bien vivre » ?

Criton 48a-49a


ΣΩ. Οὐκ ἄρα, ὦ βέλτιστε, πάνυ ἡμῖν οὕτω φροντιστέον τί ἐροῦσιν οἱ πολλοὶ ἡμᾶς, ἀλλ ΄ ὅτι ὁ ἐπαΐων περὶ τῶν δικαίων καὶ ἀδίκων ὁ εἷς καὶ αὐτὴ ἡ ἀλήθεια. Ὥστε πρῶτον μὲν ταύτῃ οὐκ ὀρθῶς εἰσηγῇ εἰσηγούμενος τῆς τῶν πολλῶν δόξης δεῖν ἡμᾶς φροντίζειν περὶ τῶν δικαίων καὶ καλῶν καὶ ἀγαθῶν καὶ τῶν ἐναντίων. Ἀλλὰ μὲν δή, φαίη γ ΄ ἄν τις, οἷοί τέ εἰσιν ἡμᾶς οἱ πολλοὶ ἀποκτιννύναι. (48b)

ΚΡ. Δῆλα δὴ καὶ ταῦτα, φαίη γὰρ ἄν, ὦ Σώκρατες .

ΣΩ. Ἀληθῆ λέγεις. Ἀλλ΄, ὦ θαυμάσιε, οὗτός τε ὁ λόγος ὃν διεληλύθαμεν ἔμοιγε δοκεῖ ἔτι ὅμοιος εἶναι καὶ πρότερον · καὶ τόνδε δὲ αὖ σκόπει εἰ ἔτι μένει ἡμῖν ἢ οὔ, ὅτι οὐ τὸ ζῆν περὶ πλείστου πιοητέον, ἀλλὰ τὸ εὖ ζῆν.

ΚΡ. Ἀλλὰ μένει.

ΣΩ. Τὸ δὲ εὖ καὶ καλῶς καὶ δικαίως ὅτι ταὐτόν ἐστιν μένει ἢ οὐ μένει ;

ΚΡ. Μένει.

ΣΩ. Οὐκοῦν ἐκ τῶν ὁμολογουμένων τοῦτο σκεπτέον, πότερον δίκαιον ἐμὲ ἐνθένδε πειρᾶσθαι ἐξιέναι μὴ ἀφιέντων Ἀθηναίων (48c) ἢ οὐ δίκαιον· καὶ ἐὰν μὲν φαίνηται δίκαιον, πειρώμεθα, εἰ δὲ μή, ἐῶμεν. Ἃς δὲ σὺ λέγεις τὰς σκέψεις περί τε ἀναλώσεως χρημάτων καὶ δόξης καὶ παίδων τροφῆς, μὴ ὡς ἀληθῶς ταῦτα, ὦ Κρίτων,σκέμματα ᾖ τῶν ῥᾳδίως ἀποκτιννύντων καὶ ἀναβιωσκομένων γ ΄ ἄν, εἰ οἷοί τ ΄ ἦσαν,οὐδενὶ ξὺν νῷ, τούτων τῶν πολλῶν. Ἡμῖν δ΄, ἐπειδὴ ὁ λόγος οὕτως αἱρεῖ, μὴ οὐδὲν ἄλλο σκεπτέον ᾖ ἢ ὅπερ νυνδὴ ἐλέγομεν, πότερον δίκαια πράξομεν καὶ χρήματα τελοῦντες τούτοις τοῖς ἐμὲ ἐνθένδε ἐξάξουσιν καὶ χάριτας, καὶ αὐτοὶ ἐξάγοντές (48d) τε καὶ ἐξαγόμενοι, ἢ τῇ ἀληθείᾳ ἀδικήσομεν πάντα ταῦτα ποιοῦντες· κἂν φαινώμεθα ἄδικα αὐτὰ ἐργαζόμενοι, μὴ οὐ δέῃ ὑπολογίζεσθαι οὔτ΄ εἰ ἀποθνῄσκειν δεῖ παραμένοντας καὶ ἡσυχίαν ἄγοντας, οὔτε ἄλλο ὁτιοῦν πάσχειν πρὸ τοῦ ἀδικεῖν.

ΚΡ. Καλῶς μέν μοι δοκεῖς λέγειν, ὦ Σώκρατες· ὅρα δὲ τί δρῶμεν.

ΣΩ. Σκοπῶμεν, ὦ ἀγαθέ, κοινῇ, καὶ εἴ πῃ ἔχεις ἀντιλέγειν ἐμοῦ λέγοντος, ἀντίλεγε καί σοι πείσομαι· εἰ δὲ μή, (48 e) παῦσαι ἤδη, ὦ μακάριε, πολλάκις μοι λέγων τὸν αὐτὸν λόγον, ὡς χρὴ ἐνθένδε ἀκόντων Ἀθηναίων ἐμὲ ἀπιέναι· ὡς ἐγὼ περὶ πολλοῦ ποιοῦμαι πείσας σε ταῦτα πράττειν, ἀλλὰ μὴ ἄκοντος. Ὅρα δὲ δὴ τῆς σκέψεως τὴν ἀρχὴν ἐάν σοι ἱκανῶς λέγηται, καὶ πειρῶ ἀποκρίνεσθαι τὸ ἐρωτώμενον ᾗ (49a) ἂν μάλιστα οἴῃ.

ΚΡ. Ἀλλὰ πειράσομαι.



Criton 48a-49a Traduction au plus près du texte

Qu’est-ce que « bien vivre » ?


SOCRATE

Donc, mon cher ami, il ne nous faut pas du tout nous préoccuper de ce que la foule dira de nous (double acc.) , mais de ce que <dira> celui qui est compétent au sujet du juste et de l’injuste, celui-là seul, et la vérité elle-même. Par conséquent, tout d’abord, tu ne conseilles pas correctement ainsi, en donnant pour conseil qu’il nous faut nous préoccuper de l’opinion de la foule à propos du juste, du beau, du bon, (= de la justice, de l’honneur, de la vertu ?) et de leurs contraires. Mais tout de même, pourrait-on dire, la foule est capable de nous faire périr.

CRITON

Cela aussi est clair, on pourrait le dire, Socrate

SOCRATE

Tu dis vrai. Mais, mon merveilleux ami, le raisonnement que nous avons parcouru de bout en bout, il me semble pour ma part encore pareil à celui d’autrefois : examine-le donc de nouveau, <examine> s’il reste, oui ou non, encore établi pour nous qu’il faut faire le plus grand cas, non du fait de vivre, mais du fait de bien vivre.

CRITON

Mais cela reste établi.

SOCRATE

Reste-t-il établi ou ne reste-t-il pas établi que, le fait de bien vivre, c’est la même chose que <le fait de vivre> bellement et justement (= selon l’honneur et la justice) ?

CRITON

Cela reste établi.

SOCRATE

Donc, d’après les choses sur lesquelles nous sommes d’accord, il faut examiner ceci, à savoir s’il est juste que je m’efforce de partir d’ici alors que les Athéniens ne me laissent pas partir, ou si ce n’est pas juste ; et, si cela apparaît juste, efforçons-nous y, sinon, laissons courir. Et les observations que tu fais, toi, au sujet de la dépense de ton argent, de la réputation, et de l’éducation des enfants, prenons garde en vérité que ces observations, Criton, soient celles des gens qui font périr facilement et qui rappelleraient à la vie, s’ils en étaient capables, sans aucun discernement, de ces gens de la foule. Mais nous, puisque la raison l’exige ainsi, il ne nous faut rien examiner d’autre si ce n’est ce que nous disions tout à l’heure, à savoir si nous agirons justement en payant de l’argent à ceux qui me feront sortir d’ici, et si nous les payerons de reconnaissance, en faisant sortir des gens nous-mêmes et en sortant, ou bien si, en vérité, nous commettons une injustice en faisant tout cela ; et si nous paraissons visiblement accomplir ces choses injustes, prenons garde qu’il ne faille pas prendre en considération ni s’il faut mourir en restant ici et en demeurant tranquilles, ni <s’il faut> supporter quoi que ce soit d’autre plutôt que d’être dans l’injustice.

CRITON

Tu me sembles bien parler ainsi, Socrate ; vois ce que nous devons faire.

SOCRATE

Examinons, mon bon ami, en commun, et si en quelque manière tu peux me contredire, moi qui parle, contredis et je me laisserai persuader par toi ; sinon, cesse désormais, mon adorable ami, de me dire sans cesse le même discours, à savoir qu’il faut que je m’en aille d’ici alors que les Athéniens ne sont pas d’accord ; ainsi, moi, je fais grand cas de faire cela après t’avoir persuadé, mais pas malgré toi. Vois donc le point de départ de notre observation, <pour voir si> il est dit de façon convenable, et efforce-toi de répondre à ce qui t’est demandé de la façon que tu estimes la meilleure.

CRITON

Eh bien, j’essaierai.


Criton 48a-49a Traduction H.Petitmangin, ed de Gigord, Paris, 1936


Socrate : Nous n’avons pas à nous préoccuper ainsi, par conséquent, de ce que la foule dira de nous, mais du jugement de celui qui s’entend à distinguer le juste et l’injuste, de celui-là seul, ainsi que de la vérité elle-même. Voilà donc qu’il est tout d’abord établi que tu te trompes quand tu nous invites à tenir compte de l’opinion du public à propos de justice, d’honneur et de vertu, ou de leurs contraires. Cependant, objectera-t-on, le public est capable de nous faire périr.

Criton : Cela aussi est évident ; et c’est, en effet, l’objection que l’on ferait.

Socrate : Tu dis vrai. Pourtant, mon bon, le raisonnement que nous venons de faire me semble toujours pareil à celui d’autrefois. Mais examine aussi celui-ci : demeure-t-il ou non établi pour nous que ce qui importe, ce n’est pas de vivre, mais de bien vivre ?

Criton : Mais oui.

Socrate : Demeure-t-il établi aussi que bien vivre signifie vivre selon l’honneur et la justice ?

Criton : Oui.

Socrate : Il résulte donc des principes mêmes sur lesquels nous sommes d’accord, qu’il convient d’examiner s’il est juste que j’essaie de sortir d’ici sans l’autorisation des Athéniens ou si ce n’est pas juste. Si le projet paraît juste, essayons de l’exécuter ; sinon, renonçons-y. Quant aux arguments dont tu parles, dépenses, réputation, éducation des enfants,prenons garde que ce ne soit là, en réalité, des prétextes dignes de cette foule qui tue à la légère et qui ramènerait ensuite à la vie, si elle le pouvait, sans aucun discernement. Quant à nous, puisque la raison l’exige ainsi, prenons garde que la seule question à examiner pour nous ne soit celle dont nous parlions à l’instant : agirons-nous conformément à la justice en donnant de l’argent et en faisant de grands remerciements à ceux qui doivent me tirer d’ici – aussi bien ceux qui nous ferons sortir que nous-mêmes en sortant – ou commettrons-nous réellement en tout cela une injustice ? S’il est évident que nous nous écartons ainsi de la justice, demandons-nous si notre devoir n’est pas de nous exposer sans tergiverser, en demeurant ici et en nous tenant tranquilles, à mourir ou à souffrir n’importe quoi, plutôt que de commettre l’injustice.

Criton : Tu me parais avoir raison, Socrate. Mais vois toi-même ce que nous devons faire.

Socrate : Délibérons ensemble, mon bon ami. Si tu as des objections à me faire, fais les, et je me laisserai persuader. Dans le cas contraire, cesse de me répéter le même conseil et de m’inviter à partir d’ici sans l’autorisation des Athéniens. Je tiens beaucoup à n’agir comme je fais qu’après t’avoir persuadé et non pas malgré toi. Vois donc toi-même si le point de départ de notre discussion te paraît suffisamment démontré et essaie de me répondre avec une entière sincérité.

Criton : J’essaierai.

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