407 439 les pressentiments d'Andromaque
Angoisses de l'épouse
Iliade VI 407-439
LES PRESSENTIMENTS D'ANDROMAQUE
Texte grec
« Δαιμόνιε, φθίσει σε τὸ σὸν μένος, οὐδ ΄ ἐλεαίρεις 407
παῖδά τε νηπίαχον καὶ ἔμ ΄ ἄμμορον , ἣ τάχα χήρη
σεῦ ἔσομαι· τάχα γάρ σε κατακτανέουσιν Ἀχαιοὶ
πάντες ἐφορμηθέντες · ἐμοὶ δέ κε κέρδιον εἴη 410
σεῦ ἀφαμαρτούσῃ χθόνα δύμεναι · οὐ γὰρ ἔτ ΄ ἄλλη
ἔσται θαλπωρή, ἐπεὶ ἂν σύ γε πότμον ἐπίστης,
ἀλλ ΄ ἄχε ΄ · οὐδέ μοι ἔστι πατὴρ καὶ πότνια μήτηρ.
Ἤτοι γὰρ πατέρ ΄ ἁμὸν ἀπέκτανε δῖος Ἀχιλλεύς,
ἐκ δὲ πόλιν πέρσεν Κιλίκων εὖ ναιετάουσαν, 415
Θήβην ὑψίπυλον · κατὰ δ ΄ ἔκτανεν Ἠετίωνα,
οὐδέ μιν ἐξενάριξε , σεβάσσατο γὰρ τό γε θυμῷ,
ἀλλ ΄ ἄρα μιν κατέκηε σὺν ἔντεσι δαιδαλέοισιν
ἠδ ΄ ἐπὶ σῆμ ΄ ἔχεεν · περὶ δὲ πτελέας ἐφύτευσαν
νύμφαι ὀρεστιάδες, κοῦραι Διὸς αἰγιόχοιο. 420
Οἳ δέ μοι ἑπτὰ κασίγνητοι ἔσαν ἐν μεγάροισιν,
οἱ μὲ πάντες ἰῷ κίον ἤματι Ἄιδος εἴσω·
πάντας γὰρ κατέπεφνε ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεὺς
βουσὶν ἐπ ΄ εἰλιπόδεσσι καὶ ἀργεννῇς ὀΐεσσι.
Μητέρα δ ΄ , ἣ βασίλευεν ὑπὸ Πλάκῳ ὑληέσσῃ, 425
τὴν ἐπεὶ ἂρ δεῦρ ΄ ἤγαγ ΄ ἅμ ΄ ἄλλοισι κτεάτεσσιν,
ἄψ ὅ γε τὴν ἀπέλυσε λαβὼν ἀπερείσι ΄ ἄποινα,
πατρὸς δ ΄ ἐν μεγάροισι βάλ ΄ Ἄρτεμις ἰοχέαιρα.
Ἕκτορ, ἀτὰρ σύ μοί ἐσσι πατὴρ καὶ πότνια μήτηρ
ἠδὲ κασίγνητος, σὺ δέ μοι θαλερὸς παρακοίτης· 430
ἀλλ ΄ ἄγε νῦν ἐλέαιρε καὶ αὐτοῦ μίμν ΄ ἐπὶ πύργῳ,
μὴ παῖδ ΄ ὀρφανικὸν θήῃς χήρην τε γυναῖκα ·
λαὸν δὲ στῆσον παρ ΄ ἐρινεόν, ἔνθα μάλιστα
ἄμβατός ἐστι πόλις καὶ ἐπίδρομον ἔπλετο τεῖχος·
τρὶς γὰρ τῇ γ ΄ ἐλθόντες ἐπειρήσανθ ΄ οἱ ἄριστοι 435
ἀμφ ΄ Αἴαντε δύω καὶ ἀγακλυτὸν Ἰδομενῆα
ἠδ ΄ ἀμφ ΄ Ἀτρεΐδας καὶ Τυδέος ἄλκιμον υἱόν ·
ἤ πού τίς σφιν ἔνισπε θεοπροπίων ἐῢ εἰδώς,
ἤ νυ καὶ αὐτῶν θυμὸς ἐποτρύνει καὶ ἀνώγει. » 439
Traduction au plus près du texte :
Mon pauvre ami, elle te perdra, ta vaillance; tu n'as pas non plus pitié 407
De ton enfant qui ne parle pas encore, ni de moi, malheureuse, qui bientôt
Serai veuve de toi; car bientôt ils te massacreront, les Achéens,
En se ruant tous ; pour moi, il serait plus profitable, 410
Si je te perds, de disparaître sous la terre; car il n'y aura plus d'autre
Joie, quand tu auras, pour ta part, subi ta destinée,
Mais des douleurs; je n'ai plus ni de père ni de vénérable mère.
Assurément, car mon père, il l'a tué, le divin Achille,
Et il a détruit de fond en comble la ville solidement construite des Ciliciens, 415
Thèbes aux hautes portes; et il a massacré Hétion,
Mais il ne l'a pas dépouillé, car il éprouvait une crainte de cela dans son cœur;
Mais donc il l'a brûlé avec ses armes bien ouvragées,
Et il a élevé un tertre dessus; et tout autour, elles ont planté des ormes,
Les nymphes de la montagne, filles de Zeus qui tient l'égide. 420
Et mes frères qui étaient sept dans le palais,
Tous, en un seul jour, dans l'Hadès sont allés;
Car tous il les tua, Achille aux pieds légers,
Auprès des bœufs aux jambes torses et des brebis blanches.
Ma mère, qui régnait sur le Placos boisé, 425
Après qu'il l'eut conduite ici en même temps que ses autres richesses,
Lui, il la libéra (renvoya) , ayant pris en retour une énorme rançon;
Mais dans le palais de son père, Artémis qui lance des flèches l'a frappée.
Hector, tu es donc, toi, pour moi, à la fois père, mère vénérable,
Et frère, toi mon mari dans la fleur de l'âge. 430
Eh bien donc, allons, prends pitié, et reste ici, sur le rempart,
Pour ne pas (de peur de) rendre ton enfant orphelin, et veuve ta femme;
Et poste ton peuple (= tes soldats) près du figuier, là où
La cité est la plus envahissable, et le mur facile à escalader.
Car trois fois, venant par là, les meilleurs ont fait une tentative, 435
Autour des deux Ajax et de l’illustre Idoménée,
Et autour des Atrides et du vaillant fils de Tydée;
Soit qu'en quelque sorte l'un des oracles des dieux, qui le savait bien, leur ait dit,
Soit que leur propre ardeur les ait poussés et commandés. "
traduction Lucien Sausy, ed Fernand Lanore, Paris, 1962
LES PRESSENTIMENTS D'ANDROMAQUE
A la vue de son enfant, il sourit sans rien dire, mais Andromaque s'arrêta près de lui, toute éplorée, et, plantant sa main dans la sienne, elle lui dit :
« Démon, ta fougue viendra à bout de toi. Tu n'as pitié ni de ton tout petit ni de moi-même, malheureuse qui serai bientôt veuve ; car c'est bientôt qu'ils te tueront, les Achéens qui se ruent tous sur toi. Pour moi, mieux vaudrait, si tu m'échappes, être engloutie sous la terre ; car pour moi il n'y aura plus d'agrément, quand tu auras accompli ton destin ; rien d'autre que le deuil ! Je n'ai plus ni père ni mère vénérable. Mon père, le divin Achille l'a tué, quand il saccagea la ville bien peuplée des Ciliciens, Thèbe aux portes hautes. Il tua Eétion, mais il ne le dépouilla pas ; il s'en fit scrupule : il l'incinéra avec ses armes bien ouvragées et lui éleva un tertre ; et tout autour ont été plantés des ormeaux par les Nymphes des montagnes, filles de Zeus porte-égide.
J'avais aussi sept frères dans notre palais ; tous, en un seul jour, s'en sont allés chez Hadès : tous furent tués par le divin Achille aux pieds rapides auprès de leurs boeufs aux jambes torses et de leurs blanches brebis. Quant à ma mère, qui était reine au pied du Placos boisé, après l'avoir amenée ici avec le reste du butin, il la délivra contre une rançon immense ; mais dans le palais de son père, les flèches d'Artémis vinrent la frapper . Hector, tu me tiens lieu de père, de mère et de frère, en même temps que tu es mon époux dans la fleur de la jeunesse. Aie donc aujourd'hui pitié de moi ! Demeure ici sur le rempart. Ne rends pas ton fils orphelin ni ta femme veuve. Range tes troupes près du figuier ; c'est par là que la ville est le plus accessible et le rempart le plus facilement franchissable. Par trois fois déjà, sur ce point, sont venus tenter l'assaut les plus vaillants compagnons des deux Ajax, de l'illustre Idoménée, des Atrides et du valeureux fils de Tydée, soit inspirés par un devin averti, soit poussés irrésistiblement par leur propre ardeur. »